Instagram et nudité, à la recherche d’un paradoxe
Les journalistes Judith Duportail et Nicolas Kayser-Bril ont publié une enquête dans Médiapart qui examine les biais algorithmiques dans Instagram. D’après leurs découvertes, le réseau social favorise les images de nus, avec un taux d’exposition 1,6 fois plus élevé pour les femmes et 1,3 pour les hommes.
Selon les résultats d’une récente enquête de Médiapart, la nudité ne serait pas ainsi interdite par Instagram mais gagnerait plutôt en visibilité.
Une « prime à la nudité »
« Les règles sont souvent faites pour être enfreintes » (selon le général américain Douglas MacArthur), et parfois par la même plateforme qui a été mise en place. Les défauts de l’algorithme d’Instagram, et en particulier le fonctionnement de son « shadow ban », sont révélés aujourd’hui dans une enquête de Médiapart menée par Nicolas Kayser-Bril et Judith Duportail (auteur de « L’algorithme de l’amour »). Il a été réalisé avec l’aide des associations du Réseau européen de journalisme de données et de l’Algorithm Watch. Pour limiter la publication d’images obscènes ou même totalement pornographiques, l’algorithme de vérification du contenu du réseau social peut procéder à un « shadow ban » qui rend un compte invisible aux yeux de ceux qui ne les suivent pas. Au cours de leur enquête, les deux journalistes ont découvert qu’en termes de nudité, non seulement cette règle ne s’applique pas toujours, mais que les photos de nus pouvaient être promues par l’algorithme de l’Instagram.
Comme les détails de l’enquête, l’algorithme du réseau social de la société de Mark Zuckerberg les délivrerait à chaque image publiée un score d’engagement qui correspond à la probabilité que tous les utilisateurs aient à interagir avec un objet médiatique qui lui est donné ». Plus la probabilité d’engagement est élevée, plus le contenu devra pouvoir bénéficier d’un surcroît de visibilité de la part de la plateforme. L’algorithme donnerait son jugement en fonction de critères tels que le sexe, l’origine ethnique ou le niveau de nudité de la photo. Comme l’expliquent les journalistes de Médiapart, « l’interface de programmation peut évaluer le niveau de nudité des personnes sur une image, en détectant des bandes de couleurs spécifiques, identifiées comme des nuances de couleurs de peau ». Et, selon les résultats de l’enquête, la plupart du temps, la nudité serait gagnante sur Instagram. En moyenne, environ 1 737 publications analysées par les journalistes, « une photo d’une femme en sous-vêtements ou en maillot de bain s’avère 1,6 fois supérieure à une photo d’elle habillée (et) pour un homme, ce taux est de 1,3 ». Les journalistes attaquent et Instagram pour faire une sorte de « bonus nudité » qui aiderait certaines des pratiques commerciales douteuses aux influenceurs et influenceuses. Au fait, leur enquête révèle que si Instagram contournerait sa propre « interdiction de l’ombre » en termes de nudité, il serait à l’inverse plus travaillé pour le contenu des « personnes handicapées, obèses, raciales ou LGBT + ». Nous avons invité le service de communication du réseau social à réagir et à attendre une réponse de sa part.
« Tout ce que vous direz sera toujours moins important que votre corps »
En France, 20 millions de personnes utilisent Instagram. Et même si Facebook et toutes les autres plateformes le nient, ces réseaux sociaux sont en effet devenus des médias à part entière. Et qui dit médias, dit responsabilités. C’est pourquoi ce biais en dit long sur le fonctionnement d’Instagram et de son algorithme.
« C’est important car l’algorithme Instagram définit une sorte de ligne éditoriale implicite qui influence nos choix, et nous fait nous exprimer d’une manière ou d’une autre. Ici, le message envoyé à toutes les femmes sur Instagram est très clair : tout ce que vous direz sera toujours moins important que votre corps », a déclaré Judith Duportail. « Et quand on sait que la majorité des utilisateurs d’Instagram sont des jeunes femmes et de très jeunes filles de 13, 14 ans, je me demande : « Est-ce là le message que nous voulons faire passer ? pour faire entrer les femmes dans la société d’aujourd’hui ? ‘ »